624              MEMOIRES DE PIERRE DE L'ESTOILE.
roy de Navarre. Mais ceux de la cour lui respondirent qu'ils n'avoient point accoustumé de mettre cela en leurs arrests.
Ce jour, le Roy chassa tout le long du jour jusques auprès des portes de Paris. M. de Brissac, sur les'trois heures aprés midi, sortist pour parler aM. de Saint-Luc son beau-frere, pour ses affaires particulieres, comme il disoit, qui lui importoient presque de tout son bien, comme il leur donna à entendre. De quoi toutefois les Seize prirent l'alarme : car il y fust depuis trois heures jusques à sept. Tellement que la pluspart des mutins, estonnés et effraies d'un si long séjour, estans sur les rempars, et voyans la cavalerie de l'ennemi approcher prés, leur crièrent qu'ils se retirassent : autrement qu'ils les tireroient. Mais les autres se moquans d'eux, et les appelans badaux et canailles, leur respondirent qu'au cas qu'ils fissent les fols, qu'ils tenoient leur gouverneur, et que sa teste leur en respondroit..
Quand M. de Brissac fust revenu, il s'en alla trouver le légat ; et se prosternant à ses pieds, lui demanda humblement l'absolution de la faute qu'il avoit faite d'avoir communiqué avec un heretique, disant que c'estoit à son grand regret ; mais qu'il y avoifesté forcé par la necessité, et par le grand interest qu'il y avoit. Le légat la lui donna, et loua hautement sa devotion et soubmissioo, laquelle toutefois tendoit bien à autre chose qu'il ne pensoit. Ce traict, ainsi dextrement prat­tique, leva les soubçons et desfiances que les mutins avoient conceu de. cest abouchement.
Le légat en ayant fait le récit au duc de Feria, il lui respondit que c'estoit un bon homme que M. de ' Brissac;qu'il l'avoit tousjours congneu pour tel; et qu'il
Digitized by